« L’Évangile selon Brassens », voilà un titre qui interpelle. Georges Brassens (1921-1981) fait en effet souvent figure de révolté anti-religieux. Avec sa dégaine « d’ours mal léché » au verbe imagé et frondeur, son culte des copains mais son amour de la solitude, hors de toute doctrine établie et fuyant toute collectivité, l’Église catholique n’a pas échappé à ses critiques. Dieu et la foi sont les thèmes les plus récurrents dans son œuvre. Dans soixante-trois de ses chansons on trouve des références à Dieu. Peut-on parler d’ « anticlérical fanatique » ? Dieu est « incompréhensible et taiseux » accablant l’homme de ses fléaux et avare de consolation : « Dieu s’il existe, il exagère/il exagère, /Quand il grêle sur le persil/ C’est bête et méchant. ». Dans l’église qu’il a connue à Sète dans les années 30, lorsque petit il accompagnait sa mère, très pieuse, à la messe, Dieu reste obstinément silencieux. Le Père a t-il cédé la Parole au Fils ? Brassens « un brin » d’admiration pour Jésus, le fils du ciel, le Messie. À deux reprises, Georges Brassens affirme « je ne suis pas l’Antéchrist de service ! ».

L’Évangile est une Bonne Nouvelle, c’est aussi un enseignement, celui du Christ, et de cela Brassens a une profonde compréhension : Les copains d’abord, « L’Évan­gile, ils l’avaient pas lu / mais ils s’ai­maient tout’s voil’s de­hors ». Et dans les « Les quatre bacheliers », après le pardon inattendu du père, Brassens chante « Et si les chrétiens du pays… / jugent que cet homme a failli / ça laisse à penser que pour eux… / l’Évangile, c’est de l’hébreu ». Dans cette chanson, seuls les « bons chrétiens » ne pardonnent pas leur fils. Ce que réprouve Brassens, c’est une Église moins animée par l’Évangile que par la petitesse des hommes. Il rêve d’une justice qui ne serait pas la celle des hommes et qui l’amène à considérer qu’il « ne se conduit pas plus mal que s’il avait la foi ».

Quand il parle de l’autre, du prochain, Brassens n’est jamais agressif ou violent, mais il en parle de façon très imagée et avec une certaine jubilation : les braves gens, les arracheurs de dents, les saintes braves gens, les ostrogoths, le curé de chez nous, petit saint besogneux, les cafards, charlatans, prophètes, le séminariste à genou sur son reposoir… Il sait aussi mettre en avant la compassion dans la chanson pour l’Auvergnat où l’on a vu une référence à l’évangile de Matthieu 25, 35-37, « Toi qui m’as donné 4 bouts de bois… 4 bouts de pain…un sourire … Quand dans ma vie, il faisait froid…il faisait faim… ».

Aucune indifférence de Georges Brassens pour le Christ ou l’Évangile, les références sont trop nombreuses. Une sorte de désir de foi. « Au fond, j’aimerais mieux que Dieu existât… Mais ça me paraît quand même assez discutable au vu de tout ce qui se passe depuis que le monde existe» dit-il dans une interview à la Vie en avril 1980. « J’voudrais avoir la foi, la foi d’mon charbonnier/ Qui est heureux comme un pape et c.. comme un panier. ». S’il se présente toujours comme un mécréant, Brassens est un mécréant- sceptique : « J’envie les pauvres d’esprit, pouvant y croire. »

 

d’après  Catherine Robert – Paroles Protestantes – mai 2018 : « L’Évangile selon Brassens » Conférence-audition avec Bertrand Dicale